La représentation des relations sexuelles dans la culture visuelle des années 1970 à partir du cas de La Chambre Nuptiale (1976) de Francine Larivée
Verushka Lieutenant-Duval
Ph. D. in Humanities
Concordia University
Mon doctorat, qui regroupe les domaines des études cinématographiques, de l’histoire de l’art et de la sociologie, porte sur la relation entre la vision d’images montrant les pratiques sexuelles et la construction de l’identité sexuelle des individus. Je m’intéresse plus précisément au portrait des relations sexuelles tel que véhiculé par la culture visuelle nord-américaine (le cinéma et les arts visuels) au cours des années 1970. Je cherche à comprendre si la « Révolution sexuelle » et l’abolition de la censure institutionnelle et religieuse au cinéma ont transformé la façon de représenter la sexualité ou si, au contraire, cette dernière est toujours montrée selon un modèle inspiré et régi par la tradition.
Ma réflexion a comme point de départ La Chambre Nuptiale (1976), une œuvre multidisciplinaire de l’artiste montréalaise Francine Larivée. Dans La Chambre Nuptiale, Larivée présente au public sa vision de l’état du couple québécois au lendemain de la « Révolution sexuelle ». À travers une iconographie qui cristallise de nombreux discours sur les rôles sexuels et genrés, sur la masculinité, sur l’hétérosexualité, l’hétéronormativité et sur la blanchitude [whiteness], elle dénonce les inégalités qui, selon elle, minent toujours le couple et qui vont à l’encontre des valeurs qu’elle accorde à l’amour, à la vie de couple, à la maternité et à ses réalisations personnelles dans la cellule familiale. Parmi les responsables de cette stagnation, figurent le système capitaliste, qui abruti et emprisonne les individus dans leur désir effréné de consommer, et l’idéal biaisé diffusé par les médias, dont principalement le cinéma commercial des États-Unis.
Dans ma thèse, je me propose de compléter la critique de Larivée sur la situation du couple québécois des années 1970 en me concentrant sur un angle que l’artiste semble avoir abordé ambigument. Paradoxalement, il s’agit de celui qui traite de ce qui advient dans l’intimité même de « la chambre nuptiale », c’est-à-dire : de la représentation des relations sexuelles. En effet, Larivée illustre tous les aspects de la vie quotidienne du couple québécois et les stéréotypes qui les caractérisent sans toutefois s’attarder aussi exhaustivement à l’intimité sexuelle du couple. Or, il se pourrait bien que les inégalités et les injustices qu’elle dénonce soient aussi présentes dans l’univers privé de la chambre à coucher et soient aussi véhiculées par la culture visuelle, qui ne se serait pas tout à fait « libérée » de la tradition à la suite de la « Révolution sexuelle ». Mes objectifs sont par conséquent de dresser le portrait des relations sexuelles tel que montré dans la culture visuelle nord-américaine des années 1970 et de l’analyser à travers les lentilles théoriques des études sur l’hétérosexualité afin de faire ressortir et de mieux comprendre les mécanismes qui sont à l’œuvre dans la représentation idéalisée de la sexualité diffusée par la culture visuelle en Amérique du Nord au lendemain de la « Révolution sexuelle ».
Les résultats obtenus pourront alors servirent à des études plus poussées en ce qui a trait à la relation entre la vision d’une forme exclusive de sexualité et la formation de l’identité sexuelle des individus.